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Compagnies aériennes / SEQE-EU

France / Droit aérien

La procédure de contrôle et de sanction des déclarations des émissions de CO2 discrètement modifiée :

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L’avis de la CAAC1 ne sera plus sollicité par le Ministre !

Par un décret ministériel n°2024-546 du 14 juin 2024, un certain nombre de modifications ont été apportées aux dispositions réglementaires du code de l’environnement relatives au dispositif de déclaration des émissions et de restitution des quotas de CO2.

Parmi ces modifications, figure notamment la suppression de l’avis de la CAAC, organe réunissant les professionnels et les représentants des autorités du secteur de l’aérien.

Décret n° 2024-546 du 14 juin 2024 relatif au système d’échange de quotas
d’émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne

Rappel du cadre réglementaire du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre :

A compter du 1er janvier 2012, et afin de lutter contre le réchauffement climatique par la réduction des émissions de CO2, l’Union européenne (UE) a décidé de soumettre le secteur de l’aviation au « Système d’Échange de Quotas d’Émission » (SEQE-UE), (en anglais « Emission Trading Scheme » (EU-ETS)), qui avait été mis en place pour les installations industrielles depuis 2005.

Les activités aériennes ont été intégrées dans le système SEQE-UE via la Directive européenne 2008/101/CE qui est entrée en vigueur le 2 février 2009 et qui a été transposée dans le code de l’environnement par les articles L.229-5 à L.229-24-2 et les articles R.229-5 à R.229-37-11. Cette intégration a été portée dans la Directive européenne 2003/87/CE qui définit notamment les modalités de mise en œuvre de ce système.

Cette directive concerne tous les vols IFR effectués avec un aéronef de masse maximale au décollage (MMD) supérieure à 5,7 tonnes, à destination ou au départ de l’Espace Economique Européen (EEE). Certains vols sont toutefois exclus du champ de la directive, tels que les vols humanitaires ou médicaux d’urgence, les vols circulaires, les vols d’entraînement, les vols liés à une obligation de service public si par exemple la capacité offerte ne dépasse pas 50 000 sièges par an.2

Par un décret ministériel n°2024-775 du 8 juillet 2024, la liste des vols entrant dans « le champ total » et celle définissant « le champ réduit » pour le calcul des quotas CO2 est modifiée.
La limite de 30 000 sièges par an est remplacée par une limite à 50 000 sièges par an pour les vols liés à une obligation de service public.

La Commission a publié une décision (Décision 2009/450/CE) fournissant une interprétation des activités et des exclusions visées à l’annexe I de la Directive 2003/87/CE modifiée.

Au-delà des vols précités, les exploitants commerciaux possédant un certificat de transporteur aérien (CTA) et effectuant moins de 243 vols par quadrimestre pendant les trois quadrimestres consécutifs de l’année ou émettant moins de 10 000 tonnes de CO2 par an sont exemptés du système.

Le dispositif en place impose aux exploitants d’aéronef de déposer, avant le 31 août de l’année N-1, un plan de surveillance des émissions annuelles, qui doit être approuvé par la DGAC (obligation de dépôt d’un plan de surveillance). Le plan de surveillance des émissions doit être mis à jour avant chaque nouvelle période.

L’article 25 du décret ministériel n°2024-546 du 14 juin 2024 reporte du
30 avril au 30 septembre l’obligation de restitution de quotas

Avant le 31 mars de l’année suivante (N+1), les exploitants doivent envoyer à l’autorité compétente (à savoir la cellule ETS de la DGAC) une déclaration des émissions annuelles (obligation de déclaration des émissions). Après transmission de sa déclaration, chaque exploitant d’aéronef doit transférer un nombre de quotas correspondant à ses émissions déclarées, avant le 30 septembre de l’année N + 1. (obligation de restitution de quotas).

Les manquements des exploitants à leurs obligations de dépôt d’un plan de surveillance, à leurs obligations de déclaration des émissions ou à leurs obligations de restitution de quotas sont susceptibles d’être sanctionnés.

Rappel de la procédure de contrôle et de sanction en l’absence de déclarations des émissions de CO2 :

L’article R.229-37-7 alinéa 4 du code de l’environnement – dans sa version en vigueur avant le 17 juin 2024 – prévoyait qu’en l’absence de déclaration des émissions de CO2 au titre d’une année « l’autorité compétente met en œuvre la procédure prévue à l’article R. 229-37-9 et, le cas échéant, procède au calcul d’office des émissions » de CO2 émises en utilisant les outils logiciels d’Eurocontrol.

L’article 24 du décret ministériel n°2024-546 du 14 juin 2024 prévoit que toute compagnie aérienne peut solliciter de la Commission Européenne la non publication de ses données de vol contenues dans sa déclaration en expliquant pourquoi leur divulgation pourrait être préjudiciable à ses intérêts commerciaux.

Ledit article R.229-37-9 alinéas 1 et 2 du code de l’environnement prévoyait, dans ce cas, que « l’autorité compétente met cet exploitant en demeure de la respecter sous un mois et en informe l’administrateur national du registre européen mentionné à l’article L. 229-12. La mise en demeure énonce l’amende encourue et invite l’exploitant à présenter ses observations. Si à l’expiration d’un délai d’un mois, il n’a pas été déféré à la mise en demeure, l’autorité compétente prononce à son encontre une amende administrative dans les conditions suivantes :

1° Dans le cas où cet exploitant est un transporteur aérien commercial au sens des dispositions de l’article R. 229-37-1, l’amende administrative est prononcée dans les conditions prévues aux articles R. 330-20 et suivants du code de l’aviation civile ; […] »

Enfin, ledit article R.330-20 du code de l’aviation civile prévoit : « Le ministre chargé de l’aviation civile peut, après consultation de la commission administrative de l’aviation civile prévue à l’article R. 160-3, prononcer une amende administrative à l’encontre de la personne physique ou morale qui : […] »

Autrement dit, en l’absence de déclaration des émissions de CO2 par une compagnie aérienne, le Ministre de la transition écologique ne pouvait manifestement procéder à un calcul d’office des émissions des activités de l’année passée qu’après avoir recueilli l’avis de la CAAC.

Ce n’est désormais plus le cas.

La modification résultant du décret °2024-546 du 14 juin 2024 :

Malgré cette modification du Code de l’environnement, qui écarte désormais l’avis de la CAAC, les dispositions de l’article
R.6231-7 du code des transports maintiennent cet avis…une source évidente de confusion !

Les articles 24 et 26 du décret ministériel n°2024-546 du 14 juin 2024 suppriment :

  • D’une part, de l’article R. 229-37-7 précité, les mots « met en œuvre la procédure prévue à l’article R. 229-37-9 et, le cas échéant, »
  • D’autre part, l’intégralité des dispositions de l’article R. 229-37-9 du Code de l’environnement.

Il en ressort, désormais, qu’en l’absence de déclaration des émissions de CO2 au titre d’une année « l’autorité compétente procède au calcul d’office des émissions » de CO2 émises, sans qu’elle ait préalablement à consulter la CAAC.

Analyse :

La suppression de l’avis de la CAAC est regrettable. L’obligation de déclaration des émissions de CO2, et ensuite l’obligation de restitution de quotas de CO2, dépendent directement du décompte des vols éligibles aux quotas et des vols qui en sont exemptés, ceci au regard de la liste des exceptions visées dans l’annexe I de la Directive 2003/87/CE modifiée et dans la Décision 2009/450/CE de la Commission Européenne.

Or, plusieurs exceptions sont sujettes à interprétation, et appellent des connaissances opérationnelles. La présence des professionnels de la CAAC avait donc tout son sens dans une procédure de sanction pour manquement aux obligations de déclaration de CO2, comme elle conserve son sens quand il s’agit de manquements des compagnies aériennes à leurs obligations de disposer de créneaux de décollage ou d’atterrissage ou à leurs obligations au titre du Règlement 261-2004 applicable en matière de droits des passagers. A vouloir simplifier la procédure, le Ministre va se trouver privé d’un éclairage technique important et les compagnies d’une possibilité d’être entendue par leurs paires.

Amaël Chesneau
Avocat au barreau de Paris

Notes :

  1. Commission Administrative de l’Aviation Civile (CAAC) de la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) ↩︎
  2. Article D. 229-37-2 du code de l’environnement ↩︎
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